Vie du CHU

Lisette Labourayre : 40 ans de combat et d’engagement au service des autres

Mis à jour le 18.09.2025 - Publié le

Le 17 septembre 2025, Lisette Labourayre a reçu la médaille de Chevalier de l’Ordre National du Mérite au CHU de Nîmes. 
Portrait d’une femme dont le parcours, marqué par le handicap et la résilience, a transformé des vies.

Une Gardoise née combattante

Lisette Labourayre est une enfant de Meynes, un petit village près de Remoulins. Née en 1953 avec un spina bifida – une malformation de la colonne vertébrale liée à un manque d’acide folique pendant la grossesse –, elle grandit en apprenant à vivre avec un handicap d’abord invisible. 

« J’ai marché jusqu’en 2001, avant de devoir utiliser un fauteuil. Mais mon handicap ne m’a jamais empêchée d’avancer ».

Lisette Labourayre

Pendant plus de quinze ans, elle travaille dans le milieu bancaire, cachant son handicap jusqu’à ce que les complications neurologiques le rendent impossible à dissimuler. « À l’époque, les médecins me condamnaient. Mais j’ai toujours refusé de me laisser limiter par leur pronostic ».

Le bénévolat, une vocation née de l’action et de la solidarité

C’est en passant à temps partiel que Lisette découvre sa véritable passion : le bénévolat. Son engagement débute il y a plus de 40 ans, porté par une conviction:  agir pour les autres, surtout là où les besoins se font sentir. 

De l’association des parents d’élèves à la cantine scolaire

C’est au sein de l’association des parents d’élèves de son village que Lisette, avec deux autres mamans, lance un projet audacieux : créer une cantine et une garderie scolaires, inexistantes à l’époque. « À Meynes, les enfants n’étaient gardés qu’aux périodes de vendanges. Avec l’association, nous avons négocié un partenariat avec la mairie : un an d’essai, et si ça marche, on pérennise »

Grâce à leur détermination et à la légitimité offerte par l’association, la cantine voit le jour, devenant rapidement un service indispensable pour les familles. « On a tout organisé nous-mêmes, aujourd’hui, c’est une évidence, mais à l’époque, c’était une révolution ».

« Parler Plus » : une association pour l’apprentissage des langues

Convaincue que l’apprentissage des langues doit commencer dès l’enfance, Lisette cofonde l’association « Parler Plus », toujours active aujourd’hui.  « Il y a 40 ans, les langues étrangères n’étaient pas enseignées en primaire. J’ai commencé par des cours pour adultes, puis j’ai ouvert les ateliers aux enfants »

L’association, qu’elle a dirigée pendant des années, propose des initiations ludiques (comptines, jeux) pour démocratiser l’accès aux langues dès la maternelle. « C’était une façon de briser les barrières et d’ouvrir les horizons. Cette asso, c’est ma grande fierté ».

Un engagement tourné vers les enfants en difficulté

Son action ne s’arrête pas là. Lisette s’investit aussi auprès d’enfants en souffrance, souvent exclus ou violents. « Ce qui m’intéressait, c’étaient ces enfants qui exprimaient leur mal-être par l’agressivité ». Pour les aider, elle utilise une méthode apprise en banque : l’analyse transactionnelle. « Je leur expliquais que la première communication passe par le corps, le regard, la posture. Quand on envoie de la violence, on en reçoit. Je leur montrais comment désamorcer les conflits et se faire respecter autrement »

Pendant deux ans, elle anime des ateliers de débat et d’expression.

Un engagement sans relâche pour les droits des personnes handicapées

En 2001, Lisette rejoint l’APF France Handicap, où elle s’investit pendant 20 ans comme élue au Conseil départemental du Gard
« J’ai ouvert des portes partout où c’était nécessaire : la MDPH, les transports, l’hôpital… ».

À la MDPH, elle siège dans les commissions chargées de réexaminer les dossiers refusés, écoutant les usagers et défendant leurs droits. Sur les questions d’accessibilité, elle travaille avec les collectivités locales pour améliorer les transports et l’accès aux lieux publics.

Mais c’est au CHU de Nîmes que son engagement prend une dimension particulière.

Un partenariat de longue date avec le CHU de Nîmes

Depuis plusieurs années, Lisette s’investit au CHU de Nîmes en tant que représentante des usagers au sein de la Commission des Usagers. 
« J’ai d’abord siégé comme membre, et c’est seulement lors de mon dernier mandat – qui va être renouvelé – que j’ai été élue vice-présidente ». Une fonction qu’elle exerce avec humilité et engagement, aux côtés de trois autres représentants d’associations.

Un travail d’équipe au service des usagers

La commission, composée de professionnels et de représentants des usagers, a pour mission d’examiner les plaintes et réclamations (anonymes, sauf lorsque l’usager contacte directement un membre). 
« Notre rôle est d’apporter notre avis, notre regard d’usagers, pour éclairer les situations. Nous ne sommes pas médecins, mais notre expérience nous permet de comprendre certaines réalités ».

Concrètement :

  • Les plaintes sont étudiées collectivement par la commission.
  • Seuls les professionnels de santé ont accès aux dossiers médicaux, conformément à la déontologie.
  • Les représentants des usagers, soumis au secret professionnel, participent aux échanges et peuvent formuler des préconisations, toujours en collaboration avec les équipes soignantes.

Formation et sensibilisation des professionnels

Lisette participe activement à la formation des soignants sur l’accueil des personnes en situation de handicap. « J’ai coanimé des forums sur la bientraitance, travaillé avec des universitaires. Aujourd’hui, je prépare une nouvelle formation avec Madame Chalet pour le personnel du CHU ».

« Pour que le bénévolat soit efficace, il faut des professionnels ouverts, prêts à nous intégrer comme de véritables partenaires. Au CHU, j’ai trouvé cette écoute ».

Lisette Labourayre

Son action ne se limite pas aux réunions : elle intervient directement auprès des services, sensibilise les équipes, et contribue à faire évoluer les pratiques. « Quand un usager nous écrit, nous étudions son dossier, échangeons avec les services concernés, et proposons des pistes pour éviter que la situation ne se reproduise ».

Un combat pour la prévention du spina bifida

Aujourd’hui, Lisette se bat pour sensibiliser à la prévention du spina bifida, un handicap encore trop méconnu, « Cette malformation peut être évitée avec une supplémentation en acide folique pendant la grossesse. Pourtant, on en parle très peu ».

Elle rejoint l’association Spina Bifida et Handicaps Associés pour porter ce message en Occitanie : « Mon projet est d’ouvrir des portes, d’informer les futurs parents, et d’éviter que d’autres enfants naissent avec ce handicap ».

Un message d’espoir et de détermination

« Le bénévolat est usant, mais c’est ma façon de montrer que le handicap n’est pas une fatalité. Je suis handicapée, mais j’aime la vie. Ce que je souhaite à tout le monde, c’est de ne pas se laisser définir par ses limites. Soyez vos propres porte-paroles. Ne laissez pas les autres décider à votre place. Une société qui exclut les personnes handicapées n’est pas une société humaine. Nous avons notre place, et nous pouvons contribuer à la faire avancer ».

Lisette Labourayre

Une cérémonie pour honorer un parcours exceptionnel

La remise de sa médaille au CHU de Nîmes a été l’occasion de célébrer quatre décennies d’engagement. « J’ai demandé que cette cérémonie ait lieu à l’hôpital, car c’est ici que j’ai rencontré des professionnels qui croient en la collaboration avec les usagers ».
 

Lisette Labourayre incarne la force de la résilience et le pouvoir de l’action collective. « On peut naître avec un handicap et accomplir de grandes choses. Nous ne sommes pas un fardeau, nous sommes une force ».
 

Son parcours nous rappelle une chose essentielle : le changement commence par l’engagement de chacun.